Avant de décider comment aborder un appel, les appelants potentiels doivent d’abord déterminer si l’appel doit être interjeté. La brièveté à couper le souffle avec laquelle la Cour d’appel de l’Ontario a statué sur les demandes de l’appelant dans Mullings c. Robertson, 2019 ONCA 979 est un avertissement pour les appelants potentiels en droit de la famille.
Les questions types qui sont jugées dans les procès en droit de la famille sont notoirement difficiles à interjeter appel. L’application judiciaire des critères juridiques de la garde et du droit de visite (l’intérêt supérieur des enfants) et de la pension alimentaire pour époux (un partage équitable des conséquences économiques de la relation et de sa rupture) est hautement discrétionnaire, les juges en droit de la famille prennent généralement en compte de nombreux facteurs pour rendre leurs décisions et la Cour d’appel ne répartira pas le poids qu’un juge de première instance a accordé à chaque fait, à moins que le juge de première instance n’ait commis une erreur manifeste et prépondérante.
Les appels des procès en droit de la famille doivent donc être traités avec prudence, car la Cour d’appel a tendance à donner un coup de barre aux appelants qui ne sont tout simplement pas d’accord avec les juges de première instance qui ont exercé leur pouvoir discrétionnaire.
L’éventail des questions que la Cour d’appel a rapidement rejetées dans l’affaire Mullings est révélateur.
L’Appelant allègue que le juge de première instance a commis des erreurs factuelles en établissant la date de séparation, en calculant les dépenses familiales conjointes et en évaluant sa contribution aux frais d’études de sa fille. Il a également affirmé que le juge avait commis une erreur:
- son refus de la demande de pension alimentaire pour époux de l’Appelant;
- sa conclusion qu’il n’y avait pas de coentreprise familiale;
- sa décision d’ordonner à l’Appelant de payer une pension alimentaire rétroactive pour enfants et d’effectuer des paiements en vertu des Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants; et
- son refus d’accueillir la demande d’enrichissement sans cause de l’Appelant.
La cour a résumé son rejet de ces motifs d’appel en affirmant simplement que le juge de première instance était en droit de se prononcer sur les conclusions qu’il a tirées de la preuve dont il était saisi. En omettant de démontrer une erreur palpable et excessive, l’appelant n’avait pas le droit de contester les conclusions du juge de première instance.
L’Appelant aurait peut-être pensé qu’il aurait plus de chance d’interjeter appel de la décision du juge de première instance de refuser de déduire le loyer d’occupation des frais d’entretien qu’il a été condamné à payer à l’intimé. Cependant, le tribunal n’était pas enclin à analyser la loi en vigueur sur la location d’occupation. Elle a conclu que le refus du juge de première instance de compenser le loyer d’occupation était une » décision discrétionnaire « , fondée sur des conclusions factuelles qu’il était en droit de faire.
La cour a même refusé de se prononcer sur la seule question de droit soulevée par l’appelante. L’Appelant prétend que le juge de première instance a commis une erreur en appliquant la Loi de 2002 sur les limitations, L.O. 2003, ch. 24, Sch B (avec son délai de prescription de deux ans) au lieu de la Loi sur les limitations des biens immobiliers L.R.O 1990 ch. L. 15, (qui prévoit un délai de prescription de 10 ans à l’article 23(1)) et à l’exclusion de la demande de dommages-intérêts de l’Appelant découlant du refus de l’intimé de participer à l’achat d’un bien. La cour a même refusé de trancher la question parce que le juge de première instance avait conclu que les dommages-intérêts de l’appelant n’avaient pas été causés par le refus de l’intimé et qu’il n’était donc pas nécessaire de décider de la Loi sur les limitations à appliquer. En l’espèce, la déférence à l’égard de la prérogative du juge de première instance en matière d’établissement des faits l’emportait même sur une question de droit claire.
Mullings souligne la difficulté que rencontrent les appelants lorsqu’ils interjettent appel de décisions en droit de la famille devant la Cour d’appel. Le droit de la famille est, en grande partie, fondé sur des faits; les vraies erreurs de droit, ou les cas clairs d’un juge de première instance ayant commis une erreur manifeste et prépondérante, sont rares. Les appelants doivent examiner attentivement la décision de première instance pour voir s’il y a de telles erreurs. De petits désaccords avec les conclusions de fait du juge de première instance ne s’ajoutent pas à un appel réussi.