Par Alice Irene Whittaker
Tout est gris et vert là où je vis. La neige presque disparue est sale avec des cailloux et le lichen couleur sauge sur les branches des arbres est recouvert de pluie printanière. La brume et le brouillard couvrent la forêt.
Le ventre de notre chien, l’ours, est boueux lorsqu’il s’aventure hors route et dans la terre. Nous sommes toujours dans cette saison intermédiaire qui vient après l’hiver avant que le printemps n’arrive enfin. Ma fille de cinq ans l’a récemment appelé « saison de la boue, avec de la neige et de la pluie! » et elle a raison. C’est une saison des trois et la combinaison est désordonnée.
Le changement d’une saison à l’autre est ambigu. Je continue à m’attendre à ce que l’hiver se transforme en printemps, et pourtant, cette année, nous semblons être pris dans un limbe prolongé entre les deux saisons.
Cela me rappelle l’ambiguïté que je ressens lorsque j’essaie de parent doucement mes trois enfants dans une période d’auto-isolement et de pandémie mondiale. C’est un entre-deux, pris entre l’ancien « normal » et tout ce qui vient ensuite.
Je suis mal à l’aise dans cette incertitude, mais le changement de saison de la nature me rappelle que la transition est toujours désordonnée.
La transition n’est pas la seule leçon que Mère Nature m’enseigne sur la maternité. En fait, elle est mon plus grand professeur alors que je navigue dans la parentalité naturelle, et ses leçons sont nombreuses.
Mère Nature enseigne la patience. Le changement des saisons et la croissance lente des plantes me rappellent que tout se passe en son temps. La nature ne peut pas être précipitée et les enfants non plus. Chaque enfant a son propre chemin, et je travaille à respecter le rythme auquel ils grandissent au fil de leurs saisons. Ma fille de cinq ans rampe toujours dans notre lit à 3 heures du matin, tandis que mon fils de deux ans et demi n’a jamais aimé dormir avec nous – il a besoin de son espace. Mon doux fils de huit mois n’est pas encore assis tout seul, alors que ses frères et sœurs plus âgés ont pu le faire à son âge. Je sais que ces différences ne feront que s’accentuer avec le temps à mesure qu’elles deviendront chacune leur moi plus âgé. J’apprends à être patient avec leurs voyages, plutôt que de m’accrocher à un ensemble linéaire et fixe de jalons qui peuvent donner aux parents l’impression que leurs enfants sont « en retard ».
Mère Nature enseigne à donner généreusement. Les mères coyotes mordent la fourrure de leur ventre pour tapisser leurs tanières et garder leurs bébés au chaud. Cet acte de donner entièrement avec son corps me rappelle l’allaitement, alors que j’allaite mon troisième bébé. Avant qu’une plante ou un arbre ne pousse, une graine se fissure et se brise pour laisser place aux racines et aux germes. J’ai craqué comme ça. Cela me rappelle la naissance et la nouvelle maternité.
Je me suis battue contre ça avec mon premier bébé, quand mon identité s’est fissurée quand j’étais épuisée, crue et émotive.
Je vois maintenant que la fissuration fait partie du processus de la nouvelle vie, et que le changement qui change la vie de devenir une nouvelle mère est naturel. Au lieu de l’histoire de la société selon laquelle une mère devrait « rebondir », j’ai embrassé la réalité selon laquelle un changement radical est nécessaire. Que la gentillesse et la douceur sont bonnes, que la vulnérabilité et l’abandon nécessitent du courage La nature m’apprend à rejeter l’histoire selon laquelle la productivité est primordiale et que les humains sont purement égoïstes. J’ai intériorisé ces histoires, et il faut travailler dur pour les défaire et réaliser que les humains sont une espèce qui donne. Heureusement, Mère Nature est là avec sa graine qui s’ouvre pour me montrer que donner généreusement est le terrain fertile à partir duquel la croissance et l’amour se produisent.
Mère Nature enseigne les limites. Ses frontières et ses lois ne sont pas négociables. Les mères ont également des limites non négociables. J’ai dû creuser plus profondément dans mon puits de patience et d’énergie que je n’aurais jamais cru possible, mais moi aussi j’ai des limites à ce que je peux donner. La parentalité est plus facile et durable lorsque mes limites sont fermes et cohérentes. Je dois fermement fixer ces limites afin d’avoir de l’espace pour ce dont j’ai besoin – non seulement pour la santé mentale, mais aussi pour l’accomplissement. Les limites me permettent de recevoir ce dont j’ai besoin, et elles aident mes trois jeunes à se sentir en sécurité et détenus.
Mère Nature enseigne l’éducation. Elle donne si gracieusement de ses cadeaux: nourriture, eau, air, sol. Biodiversité, champignons et cycles complexes. La nature nous permet de vivre notre vie en nous nourrissant, tout en nous poussant à grandir à travers l’adversité et les défis. Elle nous donne tout ce dont nous avons besoin – mais ne le remet pas sur un plateau d’argent. Elle nous nourrit et nous offre le choix – sans être trop précieuse. En tant que mère, je m’efforce de faire de même. Je veux nourrir mes enfants de tout cœur afin qu’ils puissent s’épanouir. Mais l’équilibre consiste à leur donner suffisamment d’espace pour choisir leur propre aventure et former une résilience par l’indépendance, le choix et l’erreur.
Mère Nature enseigne l’adaptabilité. La flore et la faune changent constamment, trouvant des moyens de s’adapter à de nouvelles circonstances. Celui-ci est dur pour moi. J’apprends (et réapprends) que la maternité est une adaptation constante: un nouveau bébé, un changement d’école, la fin des siestes, le début du secret autour des cauchemars, un autre nouveau bébé, aux prises avec des angoisses changeantes, des maladies qui arrivent de manière inattendue. Pour ne rien dire des problèmes mondiaux en constante évolution de notre époque, superposés à la vie individuelle de chaque famille. Être adaptable à ces changements est une stratégie de survie en tant que parent. J’essaie d’équilibrer le besoin de rythme constant de mes enfants avec la capacité de s’adapter doucement aux circonstances changeantes. Cette compétence servira bien les enfants lorsqu’ils seront aux prises avec les changements de l’avenir, tout comme elle a servi la nature pendant des milliards d’années.
Mère Nature enseigne l’espoir. Pas le type de carte de marque duveteuse, mais l’espoir qui nous maintient en vie quoi qu’il arrive. Nous traversons une période particulièrement difficile où nous avons la lourde tâche d’élever des enfants dans un contexte de pandémie mondiale, de ralentissement économique et de changement climatique. La nature fournit un modèle d’espoir dans sa capacité à se régénérer. Lorsque la terre est laissée à rewild, il est impressionnant de voir à quelle vitesse la nature s’empare à nouveau. Les sols se nettoient d’engrais artificiels. La faune retourne dans ses habitats. La vie végétale repousse, d’abord avec des mousses et des plantes, puis des arbres imposants. Mère Nature a la capacité de grandir, de repousser et de se régénérer. Elle doit être résiliente, et moi aussi. Quand de sombres inquiétudes concernant l’avenir de mes enfants arrivent, je me concentre sur la capacité de la nature à se régénérer, et cela me donne l’espoir que nous pourrons résister à des tempêtes difficiles.
Enfin, Mère Nature enseigne l’imperfection. Quand je marche dans les forêts autour de ma cabane, je vois sans jugement que les arbres sont tordus, difformes, courbés, marqués. Il est plus difficile de me regarder avec ce non-jugement. Sur le sol de la forêt, la mousse commence à pousser selon un processus imparfait: ses spores remplissent les parcelles de terre arrachées à nu par le talon d’une botte, une bûche renversée ou les pieds rapides d’un tamia. Le cycle de l’eau, la cicatrisation des sols et le changement des saisons se déroulent dans une progression non linéaire et imparfaite.
Je ne suis pas parfait pour la transition, la patience, donner généreusement, les limites, nourrir, l’adaptabilité ou l’espoir. Je ne le serai jamais non plus. Mais j’apprends.
Tout comme ma maîtresse Mère Nature, je suis en constante évolution.
À propos de l’auteur: Alice Irene Whittaker est écrivaine et mère de trois enfants. Elle travaille actuellement sur Circular Living: Nature’s Lessons for a Regenerative World, un livre de non-fiction, ainsi que sur This Grateful Geography, un recueil de poésie de la nature. Elle a été publiée dans le Globe and Mail, le Huffington Post, She Does The City, ainsi que dans des magazines et des journaux. Elle est directrice de la communication d’un groupe de réflexion sur l’environnement et l’économie. Elle a été présélectionnée à deux reprises pour les prix littéraires de la CBC et a reçu une bourse d’auteur pour le Martha’s Vineyard Institute of Creative Writing pour 2020. Alice Irene vit dans une cabane dans les bois au Québec, au Canada. Facebook Instagram, Facebook et Twitter : Connectez-vous avec Alice.